LA CHEFFE MARIE ROBERT NOUS A DONNé DES BOULES

Marie Robert, la cheffe étoilée du «Café Suisse», est-elle aussi bonne communicante qu'excellente cuisinière? On est allé fourrer notre nez dans ses assiettes et son restaurant, un samedi midi.

«Ma fille, il est temps d'aller au Café Suisse.»

Oui, enfin. Ma maman et moi parlons du «Café Suisse» depuis des années. Plus précisément, depuis que la cheffe Marie Robert est devenue une star en Suisse romande. Depuis son titre de «Cuisinière de l'année» en 2019. Son étoile Michelin. Ses 16 points au Gault&Millau.

On a été touchées par ses yeux verts qui pétillent, ses interminables cheveux roux, sa façon de parler gastronomie et amour du métier, ses posts pop et alléchants sur Instagram et, surtout, cette réputation de patronne à la fois «coolos» et hyper exigeante. Un peu moins par ses choix de déco, mais l'important, c'est ce qui se passe dans l'assiette, pas vrai?

Un samedi de mai, c'est donc avec autant d'excitation que d'anxiété que nous prenons le train jusqu'à Bex pour démêler le vrai de nos préjugés.

Fausses fraises et vraie viande séchée

Premier constat? Oui, définitivement, le décor est d'un kitsch absolu. Qu'on aime ou pas les graffitis multicolores qui ornent ce bistrot historique, ils font mal aux yeux. Il y a aussi des fils qui pendent au plafond dont on ne comprend pas vraiment l'utilité, mais comme dirait ma maman, «c'est un style» (c'est marrant, elle disait déjà ça quand je lui parlais de me teindre les cheveux en rose).

Nous optons pour le menu «Découverte», avec tout le toutim: 2 entrées et un accord mets-vins, pour 210 francs par personne.

Nous entamons le menu par une coupe de champagne et... des boules.

Des boules de beurre, d'abord. «Prière de ne pas les avaler tout rond», nous charrie la serveuse. Six arômes différents, qui vont de «2 citrons», à «safran» et «ail noir», afin d'accompagner les innombrables sortes de pain. Si vous aimez le beurre, c'est bonheur. En guise d'apéro, une septième boule: cromesquis à l'ail des ours. Après tout, ce n'est pas parce qu'on s'aventure dangereusement près du Valais qu'il faut en oublier les spécialités vaudoises.

Pour l'amuse-bouche, surprise! Deux grosses fraises rondes et brillantes, flanquées de tranches de brioche, le tout sur un plateau en verre fumant. Genre petit-déj' de Chantal, un dimanche matin, version gastronomique.

Le trompe-l'oeil est parfait. Rien à voir, cependant, avec le brunch dominical, tresse et confiture: sous couvert du fruit juteux se cache une «mousse à la viande séchée du Valais, glaçage au vin rouge et gelée de cornichon». Léger, surprenant et complètement validé - malgré la mise en scène un peu effrayante qui flirte dangereusement avec la cuisine moléculaire.

Arrive la première entrée: mousse d'asperges, ballotine de volaille et, tenez-vous bien, morilles farcies au foie gras. Mazette. Le tout accompagné d'un verre de Chardonnay valaisan. Léger. Trop. Malheureusement, ça manque un brin d'acidité, de sel, de consistance - et de foie gras.

On entame la deuxième entrée: carabinero (une sorte de crevette réputée pour sa taille et son rouge éclatant), fruits exotiques, gelée de safran, fève de Tonka et émulsion de bisque. Un pur délice, en ce qui me concerne. «C'est un peu froid, non?» commente discrètement Chantal, en plongeant les lèvres dans sa petite Arvine.

Arrive le plat de résistance: mignons de porc à la sauce williamine. Une sauce dans laquelle je me serais noyée toute entière avec un plaisir incommensurable. Le porc, qui doit avoir vécu une existence courte, mais heureuse, à en juger par sa tendresse, est accompagné pour son dernier repas d'un verre de Pinot noir.

Clou du spectacle: la «surprise sucrée» de la cheffe. Des boules, quoi d'autre?

«C'est pas un peu...Tu sais, en forme de... hm? Enfin, tu tournes l'assiette c'est un peu... non»

- Chantal et son esprit mal tourné. -

Aussi phallique soit-il, ce baba à l'abricotine, émulsion au gingembre, glace au sapin et tuile de chocolat blanc, est un sans-faute. Roudou et gourmand ce qu'il faut, sans nous plomber définitivement. Pour l'accompagner: un vin liquoreux - qui, lui, nous a achevées.

Pour conclure, une assiette de mignardises comme il se doit: macarons au chocolat, pâtes de fruits et financiers (en forme de boule, évidemment).

Marie Robert a beau avoir une passion cachée pour les sphères de toutes sortes, nous, on ressort de là sans avoir les boules. Rassasiées par une cuisine plus traditionnelle et généreuse qu’elle en a l’air.

Et même si on ne partage pas son goût pour les fresques murales criardes, elles n’altèrent en rien l'ambiance chaleureuse. Et encore moins le service, exactement à la hauteur des promesses de la cheffe: intransigeant, sans chichi et surtout, pas guindé pour un sou.

Bref, on y retournera les yeux fermés. Dans six mois, peut-être - la fréquence des changements de déco de la patronne.

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